mardi 27 mars 2012

Est-on en train d’instrumentaliser le mouvement étudiant?

La crise des droits de scolarité s’éternise et chacun reste sur ses positions. Elle nous oblige à nous poser des questions fondamentales. D’abord, qui doit décider en démocratie?

Les élus? Nous élisons des représentants dans les parlements à qui nous déléguons un pouvoir de décision. Ces personnes ne sont pas infaillibles, et parfois, elles se trompent. Malheureusement, on n’a le droit de les ramener à l’ordre qu’à tous les quatre ou cinq ans. Après un certain temps, tout gouvernement perd nécessairement de la popularité. Toute décision fait des gagnants et des perdants. Un jour ou l’autre, chaque citoyen a désapprouvé au moins une fois le gouvernement en place. Cela s’appelle l’usure du pouvoir.

L’opinion publique doit-elle l’emporter? Pas toujours. Bien sûr, les politiciens surveillent les sondages. Ils ne veulent pas mettre leur élection en péril. Nous sommes dans une société pluraliste sur le plan des idées, grâce notamment aux progrès de la laïcité et de la liberté d’opinion. La plupart du temps, l’opinion est divisée. Et même lorsqu’une majorité se dégage dans l’opinion, il ne faut pas la suivre aveuglément, car on brimerait souvent les minorités. Le « bien commun » est parfois bien difficile à déterminer. De toute façon, les partisans et les adversaires de la hausse sont pratiquement à égalité dans la population.

Alors, la décision doit-elle se prendre dans la rue? Le gouvernement n’a pas à céder chaque fois qu’un groupe d’intérêt refuse sa décision. Il y aurait toujours des gens prêts à envahir les rues. Bien des pays affectionnent la manifestation comme mode ordinaire d’expression politique. Je l’ai observé en France et en Argentine. C’est beaucoup moins le cas ici. Mais quand un nombre important de personnes descendent dans la rue, c’est le signe que le gouvernement fait face à un problème important : celui du manque de consentement.

En effet, ce n’est pas tout de se faire élire et de se faire réélire, il faut gouverner avec le consentement de la population. Le mouvement étudiant québécois dépasse la simple défense d’intérêts égoïstes. Il est motivé par des valeurs et des principes à portée universelle et il est soutenu par plusieurs segments de la population. En ce sens, il est un mouvement social exemplaire.
Même les érables ont cessé de couler ce printemps.

Il existe une solution pour qui veut régler la crise

Pourquoi cette crise semble-t-elle insoluble? La problématique est la suivante :

1) Une proportion importante de la population juge que l’augmentation décrétée par le gouvernement Charest nuit à l’accessibilité aux études supérieures, qu’elle favorise l’endettement des étudiants et qu'elle est inéquitable pour la classe moyenne.

2) Ni le gouvernement Charest, ni les leaders étudiants ne semblent vouloir bouger d'un iota. Le premier, qui est déjà fort impopulaire, n’a rien à perdre et compte sur la lassitude de la population et l’essoufflement des étudiants. Ceux-ci, croyant avoir poussé Charest au pied du mur, veulent accomplir dea actions de plus en plus radicales.

3) Pour plusieurs étudiants, le trimestre devra être prolongé, ce qui posera des problèmes logistiques difficiles dont ils feront principalement les frais.

Quelle solution mutuellement acceptable pourrait sortir le Québec de cette crise? On commence enfin à entendre des suggestions constructives. L’économiste Luc Godbout en fait quelques-unes dans La Presse de ce matin. Je répète la mienne : même si le budget a été déposé, il n’est pas trop tard pour voir à la bonification du programme de prêts et bourses. Pour lutter contre l’endettement, il faut descendre le plafond des prêts. Pour accroître l’accessibilité, il faut augmenter les bourses. Pour soulager la classe moyenne, il faut abaisser le seuil d’accessibilité à l’aide financière.

Ainsi, il est possible pour chacun d’atteindre ses objectifs : faire payer aux  étudiants qui en ont les moyens leur « juste part » tout en évitant l’endettement et en veillant à l’accessibilité ainsi qu’à l’équité. À moins, bien sûr, que le gouvernement Charest n’ait en tête d’instrumentaliser cette crise pour se rendre populaire auprès d'un certain électorat. Ce serait le pari risqué d’un politicien désespéré.   

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