jeudi 5 avril 2012

Le gouvernement Charest, les associations étudiantes et la « Chicken Game »

Je me rappelle bien de mon premier cours de science politique, un lundi plutôt gris de septembre 1980, au sous-sol du pavillon Casault de l'Université Laval. Il s’intitulait « Principes des relations internationales » et était donné par le professeur Gérard Hervouet. En plus de nous instruire des grandes doctrines de la Guerre froide (l’équilibre de la terreur, la dissuasion et la destruction massive assurée), il nous a parlé d’un phénomène qu’on ne retrouve pas seulement dans les conflits internationaux : la « Chicken Game ».

Hier, on manifestait devant le pavillon central de l'Université de
Montréal au moment où je devais donner un cours sur les
institutions politiques. PHOTO: Patrick Sansfaçon, La Presse
La situation est la suivante : deux belligérants s’entêtent dans leur position. Ils sont comme deux bolides qui foncent l’un vers l’autre. Ni l’un ni l’autre ne veut dévier de sa route. Celui qui bronche et s’écarte du chemin perd la bataille. C’est le « chicken », la poule mouillée. Si personne ne bronche, c’est la collision, fatale pour tout le monde. C’est exactement la situation dans laquelle se retrouvent aujourd’hui le gouvernement Charest et les fédérations étudiantes.

L’UQAM n’a pas de scénario de rattrapage si la grève dépasse le 16 avril. À l’Université de Montréal, où le boycott a commencé quelques jours plus tard, on parle du début mai, c’est-à-dire en même temps que débutera la session d’été. Sinon…

Sinon quoi? Pour la première fois, il y aura une annulation de session. Pas une annulation complète – cela ne s’est jamais vu et n’est pas nécessaire car une bonne moitié des étudiants sont demeurés en classe – mais certains cours seront annulés. Ce sera une annulation « sélective » de session.

Dans mes autres billets, j’ai affirmé que j’étais en partie d’accord avec le gouvernement Charest et en partie d’accord avec les associations étudiantes. Comme le gouvernement, je crois que l’augmentation proposée est raisonnable, et que les étudiants qui en ont les moyens devaient payer leur « juste part », soit 17% (seulement) du coût réel des études supérieures.

Comme les étudiants, je crois qu’il faut améliorer l’accessibilité aux études, réduire l’endettement et mieux gérer les universités. Par conséquent, on devait améliorer le programme de prêts et bourses et revoir la gestion des échelons supérieurs de l’administration universitaire. Si Jean Charest avait promis cela dans son budget du 20 mars, plutôt que de se servir de cet argument comme appât pour attirer les étudiants à la table de négociations, le mouvement se serait essoufflé plutôt que de se radicaliser, et nous n’en serions pas là aujourd’hui.

Ni le gouvernement, ni les étudiants ne démontrent une volonté de lâcher du lest. Début mai, des cours devront être annulés. Jean Charest pourra se présenter au Conseil général de son parti comme un homme déterminé et pourrait bien déclencher des élections. Mais il les perdra.

Comme dans toute bonne « Chicken Game » où les compétiteurs s’entêtent, le conflit n’aura fait que des perdants. Les étudiants en grève (ou en boycott) perdront leur session et Charest le pouvoir.

C’est vrai à court terme. Qu’en est-il du moyen terme? Les partis d’opposition ont montré plus d’ouverture que le Parti libéral. Mais les finances publiques du Québec ne seront pas plus reluisantes du jour au lendemain. Le dossier est loin d’être clos.

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