Après avoir plié devant le peuple sur la centrale du Suroît,
la privatisation d’une partie du parc du Mont Orford et la commission sur la
collusion et la corruption dans le domaine de la construction, il devra encore
une fois retraiter, car le mouvement étudiant ne désarme pas. Tout au plus
aura-t-il réussi à retarder le dénouement du conflit et à détourner l’attention
des scandales de corruption et de sa politique minière contestée durant
quelques mois.
Jamais à court de bonnes idées, les manifestants ont utilisé la technique du tintamarre. (Photo: La Presse) |
Lorsque la grève a commencé, les étudiants ont demandé à
leurs enseignants et chargés de cours de les appuyer en refusant de se
présenter en classe. Ils voulaient éviter d’avoir à faire du piquetage devant
chaque salle de classe. Je leur ai répondu que je ne pouvais pas faire la grève
à leur place. En bon citoyen obéissant aux lois (et soucieux de toucher son
salaire…), je me suis présenté à chacun des cours comme le veut le Code du
travail, ma convention collective et mon contrat d’enseignement.
Je leur ai dit que pour réussir, ils devaient faire deux
choses : mobiliser leurs collègues (si seulement cinq ou six étudiants
étaient en classe, je ne pouvais donner mes cours) et obtenir l’appui de l’opinion
publique (nous sommes en démocratie après tout). C’est comme cela qu’ils l’avaient
emporté en 2005.
Après une longue période d’incertitude, le mouvement étudiant
peut maintenant compter sur ces deux atouts. Une mobilisation qui s’étend, comme
en font foi la manifestation du 22 mai et le grand tintamarre du lendemain, et
un appui tardif de l’opinion publique à une solution négociée, tout cela grâce
à la décision du gouvernement du Québec d’adopter une loi spéciale. Au lieu de
se contenter de reporter les sessions pour calmer le jeu, Jean Charest a adopté
une série de mesures répressives qui ont jeté de l’huile sur le feu. Du coup,
il a relancé la contestation, fédéré toutes les causes sociales autour des
étudiants et braqué une partie de l’opinion publique contre lui.
Il est depuis longtemps acquis que ce conflit serait une
lutte sans merci entre les étudiants et le gouvernement. Aucune partie ne
voulait jouer le jeu normal du compromis, celui qui fait que normalement, dans
les sociétés libérales avancées, on essaie de faire coïncider les intérêts opposés.
Les forces sont demeurées égales pendant longtemps. Les étudiants avaient réussi
leur mobilisation. Jean Charest croyait à tort qu’elle s’essoufflerait. Le
premier ministre profitait d’une opinion favorable aux hausses. Aujourd’hui, une
grande partie de population désapprouve ses actes.
Des alliés traditionnels du gouvernement ont ouvertement
critiqué la loi spéciale. Bâtonnier du Québec, Conseil du Patronat et
maintenant La Presse. Bien qu’en
faveur de la hausse et pour l’accessibilité grâce à l’aide financière bonifiée,
j’ai
signé dès samedi la pétition des historiens contre la loi 78, sans
toutefois approuver la désobéissance civile, même pacifique, car je l’estime
contre-productive dans les circonstances.
Les manifestants se préparent à accueillir les 300 000 visiteurs au Grand Prix de Montréal (Photo: Le Devoir) |
À mon avis, les étudiants avaient déjà gagné, à la fin avril,
sur l’accessibilité et l’endettement, avec la bonification des prêts et
bourses, le remboursement proportionnel au revenu et l’étalement de la hausse.
Le gouvernement pouvait encore dire qu’il n’avait rien cédé. Aujourd’hui, il n’a
pas d’autre choix que de plier devant un mouvement social qui a gagné en force.
C’est cela aussi, la démocratie.
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