jeudi 8 septembre 2011

Le Parti Québécois, un parti comme les autres?

Le Parti Québécois (PQ), fondé en 1968 par René Lévesque, est une coalition de nationalistes de gauche et de droite qui vise à prendre le pouvoir pour faire du Québec un État souverain. Pour ce faire, il doit rassembler une vaste coalition de forces sociales favorables à la souveraineté et convaincre un grand nombre d’électeurs d’appuyer son projet. La principale difficulté du Parti québécois est de vivre avec son double rôle d’expression politique d’un mouvement social et d’organisation partisane voulant exercer le pouvoir au Parlement de Québec.

Le Parti Québécois a pris le pouvoir à deux reprises et a organisé deux référendums. En 1976, ce fut possible en raison de la grogne contre le gouvernement de Robert Bourassa. La stratégie de « l’étapisme », qui visait à séparer la question nationale de celle de la gouvernance, a fait en sorte que le PQ s’est faufilé au pouvoir avec 41% des votes, même si encore peu de gens étaient en faveur de la souveraineté politique (c’est-à-dire l’indépendance). Cette option n’a obtenu que 40% d’appuis en 1980 et malgré tout, le Parti Québécois fut réélu avec 49% l’année suivante avant d’être battu en 1985.

Lorsque le PQ a repris le pouvoir en 1994, les Québécois avaient entendu parler de la question nationale constamment depuis qu'en 1986 Robert Bourassa avait énoncé les conditions minimales pour la ratification de la constitution canadienne par le Québec. Et c’est sans compter la période de nationalisme intense, de 1960 à 1980, qui était encore fraîche dans bien des mémoires. Après l’échec de l’accord du lac Meech et de l’entente de Charlottetown, grâce auxquels le Québec aurait obtenu bien peu de choses, soit le « statut de société distincte », les Québécois avaient conclu qu’il était impossible de réformer le Canada.

Dès son arrivée à Québec, le gouvernement de Jacques Parizeau a voulu élargir la coalition souverainiste. On a « dépéquisé » la souveraineté pour attirer des souverainistes qui ne seraient pas partisans du Parti québécois. Il y avait déjà le Bloc québécois (BQ) de Lucien Bouchard, puis il a obtenu l’appui de Mario Dumont de l’Action démocratique du Québec (ADQ). Enfin, les Partenaires pour la souveraineté ont mobilisé des segments importants de la société civile (centrales syndicales, artistes, intellectuels, et même des pompiers et des religieux…). D’où la quasi victoire du Oui en 1995.

Mais depuis, les partis souverainistes ne parlent plus de souveraineté, sauf lors des réunions partisanes, dans le but de garder à leur service leurs militants les plus motivés. Ils se concentrent sur la critique ou la proposition de politiques gouvernementales. Ainsi, quel message reçoit l’électorat? La souveraineté n’est pas l’instrument d’émancipation du peuple québécois. Tout se passe comme s’il fallait d’abord régler les principaux problèmes du Québec avant de parler de souveraineté. C’est comme cela que Mario Dumont, souverainiste en 1995, a graduellement éliminé cette option du programme de l’ADQ. Quelques années plus tard, c’est Lucien Bouchard qui a tout laissé tomber et s’est rangé dans le camp des désillusionnés.

Évidemment, je réfute cette logique qui veut que la souveraineté est un luxe qu’on se payera le jour où on sera tous riches et en santé. Le problème se situe dans l’absence de discours public en faveur de la souveraineté. Rien à voir avec la stratégie. Celle des conditions gagnantes, mise en place par les premiers ministres péquistes à partir de 1996, relevait de l’évidence. On ne ferait de référendum que le jour où on serait sûr de le gagner. En effet, un référendum gagnant est la modalité incontournable du succès d’une déclaration d’indépendance. Mais encore faut-il au préalable convaincre la population de l’opportunité de changer le statut du Québec. Et ce n’est pas en une campagne référendaire de 35 jours qu’on y arrivera.

À force de ne plus parler de souveraineté, les leaders des partis souverainistes n’ont plus l’air d’y croire eux-mêmes. Comment voulez-vous que la population, autrefois fortement mobilisée en sa faveur (jusqu’à 60% dans les sondages en 1990-1991), s’intéresse encore à l’accession du Québec au statut de pays souverain? Premier signe de cette désaffection, la disparition du Bloc québécois. Après avoir mis l’accent sur la promotion de la souveraineté, le BQ s’est concentré sur les intérêts du Québec. Il est devenu une « police d’assurance », malgré la mise en garde de Lucien Bouchard. Combien de personnes ayant voté BQ depuis 1993 se sont posé cette question en mai dernier : « Pourquoi donc je voterais pour le Bloc? » Pour la souveraineté, pardi!

Que se passe-t-il maintenant au PQ? On parle de « gouvernance souverainiste », qui n’est rien d'autre qu’une deuxième couche d’étapisme : revendiquons de nouveaux pouvoirs à Ottawa, et lorsqu’on nous les aura refusés, la population se remettra d’elle-même à penser à la souveraineté. Pas sûr que cela marche. En 2000, le gouvernement fédéral a adopté la loi sur la clarté référendaire par laquelle il affirmait être le seul juge du résultat d’un référendum sur la sécession. Cet affront a été reçu dans la quasi-indifférence au Québec. Les Libéraux fédéraux ont même fait des gains aux élections de 2000.

Alors, comment en vouloir à ceux qui ont quitté le navire au début de l’été parce que le PQ a cessé de parler de souveraineté après 43 ans d’existence? S’agit-il de personnes pressées, radicales ou tout simplement cohérentes? La réaction de la cheffe Pauline Marois a été de demander au Conseil de la souveraineté, un organisme peu actif qui devait remplacer les Partenaires pour la souveraineté, d’organiser des États généraux pour voir à coordonner des « États généraux » où des souverainistes de toute affiliation, ou sans affiliation, de parler de souveraineté entre eux.

À la sortie du caucus de l’Opposition, où ses députés ont encore resserré les rangs, Madame Marois a déclaré vouloir se concentrer sur les questions concrètes qui préoccupent la population : le sort des personnes âgées, l’état des routes, etc. Et la souveraineté dans tout cela? Ne doit-elle pas nous donner les instruments de d'achever les réformes de la Révolution tranquille? Après la « dépéquisation » de la souveraineté, en 1994, sommes-nous en train d’assister à la « désouverainisation » du PQ?

Si le PQ ne fait plus de la souveraineté son objectif principal, il perd sa raison d’être. Ou alors, il devient un parti comme les autres sur un échiquier qui comprendra quatre ou cinq partis, selon que l’ADQ se joindra ou non à la Coalition pour l’avenir du Québec de François Legault. Et que s’est-il passé en 1973, lors d’une élection à quatre partis, grâce aux déformations de notre mode électoral uninominal à un tour ? Robert Bourassa a fait élire 102 députés sur 110! D’accord : les Libéraux avaient eu presque 54 %. Un autre exemple? Les élections de 1976 où le PQ a obtenu une majorité avec 41%. Bref : la dispersion actuelle de l’électorat favorisera la réélection de Jean Charest.

1973
% vote
# sièges
1976
% votes
# sièges
Libéral
54,65
102
Libéral
33,78
26
PQ
30,32
6
PQ
41,37
71
Créditiste
9.92
2
Créditiste
(comprend le PNP)
5,45
2
Union nationale
4,92
0
Union nationale
13,28
11


À long terme, notre système électoral se stabilisera avec deux partis dominants qui s’échangeront le pouvoir, à moins que nous ne passions à un mode de scrutin plus proportionnel. Donc, la prochaine élection risque d’être une élection de réalignement. Après avoir vécu plusieurs décennies avec le Parti libéral et le Parti Québécois, c’est à dire avec un système de partis basé sur la polarisation autour de la question nationale, nul ne sait ce que sera la prochaine configuration. Un échiquier gauche/droite? Peut-être. Bien que la tendance soit à un concours de personnalités (mais la concurrence est bien faible en ce moment). Et quels seront les deux membres du duo? Quels partis auront survécu? Le PQ éclatera sans doute s’il ne retrouve pas sa raison d’être originale, le ciment qui faisait tenir la coalition de nationalistes de gauche et de droite.

Alors oui! Il faut refaire la coalition souverainiste. Mais il n’y aura pas de souveraineté sans gouvernement souverainiste. Pour cela, les souverainistes doivent se regrouper sous une seule enseigne. Et un parti souverainiste doit parler de souveraineté avant, pendant, après les élections. Les Québécois sont fatigués d’entendre parler de stratégie. Ils veulent un projet de pays.

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