lundi 25 juillet 2011

La crise des partis souverainistes (2)



Le mouvement indépendantiste québécois fait actuellement face à des vents contraires. Dans le billet de la semaine dernière, nous nous sommes interrogés sur la possibilité que le Bloc et le PQ aient eux-mêmes été la cause de leurs déboires, en devenant des éléments fonctionnels du système politique et en ne soutenant plus l’indignation de la population face à l’oppression nationale qui continue de toucher les Québécois et le Québec. Cependant, se pourrait-il que, comme l’écrivait récemment The Economist, le projet d'indépendance ne soit tout simplement plus pertinent pour un nombre de plus en plus grand de Québécois? Autrement dit : peu importe ce que diraient les politiciens souverainistes, la population ne serait ni réceptive à leur message, ni intéressée par un projet politique somme toute radical et peut-être dépassé?


D’accord, les sondages montrent que les intentions de vote pour la souveraineté se maintiennent autour de 40%. Mais en même temps, le nombre de personnes qui ne croient plus que le Québec deviendra souverain est en hausse constante. Cela rappelle les statistiques sur la religion dans les années 1970 : on se disait toujours catholique mais on n’allait plus à la messe. Si cela était le cas, la faiblesse des partis indépendantistes serait le résultat de phénomènes de fond, qu’il convient d’identifier avec plus de précision. Voici quelques « sous-hypothèses » qui peuvent jeter un plus grand éclairage.

1. La « réussite » de la Révolution tranquille. La modernisation du Québec et la mobilité sociale des francophones depuis 1960 ont fait en sorte qu’il ne semble plus nécessaire de pousser plus loin les réformes d’ordre politique. Le projet indépendantiste aurait donc été celui d’une génération.

2. L'individualisme et le matérialisme : la relative prospérité des dernières décennies aurait détourné les Québécois des projets collectifs : chacun se concentre sur son succès personnel : études, travail, voyages, REÉR. Les Québécois-e-s ne comptent plus sur l’État pour assurer leur épanouissement individuel et collectif. Sombre perspective : il s’ensuit qu’un regain d’intérêt pour la souveraineté devrait attendre la prochaine grande crise économique.

3. La crise de l’État : déficits budgétaires et accords de libre-échange réduisent l’efficacité des politiques gouvernementales. Pourquoi les Québécois voudraient-ils un État souverain alors que l’État est impuissant. À preuve : la Belgique n’a plus de gouvernement depuis plus d’un an, et les Belges ne s’en portent pas trop mal.

4. La désaffection vis-à-vis de la classe politique : on a l’impression que les politiciens sont impuissants et manquent d’imagination, à cela s’ajoutent les allégations de corruption. Il y a baisse de participation électorale, cynisme vis-à-vis des élus et rejet des partis politiques établis, dont le Bloc et le PQ.

5. La mondialisation des communications et des migrations entraîne une crise de la nation. L’ouverture sur le monde va de pair avec un désintérêt pour la culture et les institutions locales d’une part, et pour l’histoire et les traditions d’autre part. Signe des temps : dans nos universités, les cours sur le Québec et le Canada sont désertés au profit de ceux qui portent sur l’étranger.

Vous me direz que ce tableau est peu réjouissant pour les nationalistes et les indépendantistes. Je vous répondrai qu’il faut être réaliste (je préfère ce terme au mot « lucide ») et ne pas se voiler les yeux. Ceux et celles qui veulent poursuivre l’idéal national, sous sa forme autonomiste ou indépendantiste, doivent cesser de s’illusionner en se disant que le temps joue en leur faveur et qu’on n’a qu’à attendre que le fruit soit mûr. Le Québec et le monde ont changé depuis les années 1980 et 1990. Tout comme l’ont compris leurs prédécesseurs à des moments-charnières de l’Histoire, il leur faut tenir compte de la nouvelle donne et ré-imaginer le projet national pour le XXIe siècle. Nous y reviendrons.

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