mercredi 1 août 2012

OK, tout le monde, on prend du Ritalin

Au lendemain de la première élection du Parti Québécois, en novembre 1976, le caricaturiste Aislin de la Gazette publiait une caricature dans laquelle le premier ministre élu, René Lévesque, conseillait aux anglophones angoissés de se calmer, « Ok, everybody, take a valium ». En ce jour de déclenchement des 40es élections générales au Québec depuis le début du régime canadien en 1867, c’est toute la population du Québec qui souffre d’un déficit d’attention. Hier soir, la télévision de Radio-Canada a fait un « vox pop » pour demander à des électeurs dans la rue ce qu’ils pensaient du déclenchement imminent des élections. Une dame a répondu : « On va être obligés de penser à ça! Non, ce n’est pas bon. » Je lui réponds : prenez du Ritalin et essayez de vous concentrer.

Source: Musée McCord de Montréal


Mêlez-vous de vos affaires!

Le « ça » dont parlait cette citoyenne, qui a autant le droit de voter que vous et moi, c’est la politique, c’est-à-dire les affaires de la nation. À moins de croire, comme les libertariens, que le salut est dans un individualisme absolu, nous avons besoin d’un gouvernement pour arbitrer entre les intérêts particuliers, pour éviter que certains se laissent aller à leurs mauvais penchants, pour protéger le faible contre le fort, pour veiller à l’intérêt national et au bien commun. L’être humain est un animal social.

Et si le citoyen ne s’intéresse pas aux affaires de l’État, quelqu’un va s’en occuper pour lui. Le gouvernement ne s’occupera que du bien de quelques-uns et non du bien commun. Ai-je besoin de vous faire un dessin? La classe politique ne sera bientôt faite que d’une bande d’arrivistes voulant dilapider le trésor public au profit de leur petits-z’amis. Et ce sera de notre faute. Une population éduquée, attentive et participante est garante d’une saine démocratie. Pour ceux et celles qui aiment encore tenir un livre dans leurs mains, je conseille La démocratie, c’est l’affaire de tous, de l’ex-député Yvan Bordeleau

Montréal, Éditions Liber, 2012, 296 p.


Ailleurs, on meurt pour des élections

Vous pensez peut-être que je ressors ici un vieil argument moral : « Voter est un devoir. Des milliers de gens sont morts pour le droit de vote ». Quoi que vous en pensiez, cela est un fait indiscutable encore aujourd’hui. Il faut avoir la mémoire très courte pour ne pas se rappeler du « Printemps arabe » : des milliers de morts et des milliards de dollars de dommages pour se débarrasser de gouvernements corrompus ou sanguinaires en Tunisie, en Égypte, en Libye et au Yémen. Seul le Bahreïn a résisté à la vague révolutionnaire, et ça continue en Syrie.

Là où ces mouvements ont réussi, la démocratie est fragile. En effet, rien n’est gagné dans la plupart de ces pays. Et cela ne se limite pas au Moyen-Orient : depuis la chute du Mur de Berlin, la Russie a gagné la démocratie pour la perdre de nouveau. Nous-mêmes la tenons pour acquise, mais elle peut rapidement nous échapper. Je ne vous ai pas encore parlé de la loi 12 (projet de loi 78) du printemps dernier, car cela fera justement partie du débat électoral.
Le premier débat de l'assemblée législative du Bas-Canada, en 1792,
portait sur l'élection du président.

Ici, depuis 1792, soit 220 ans, nous sommes appelés à demander des comptes à nos dirigeants tous les cinq ans tout au plus, et à les remplacer au besoin. La démocratie québécoise est plus vieille que le Canada lui-même. Rappelons-nous les paroles de Churchill, en 1947, à la Chambre des communes de Londres : « La démocratie est le pire système de gouvernement, à l'exception de tous les autres qui ont pu être expérimentés dans l'histoire. » A-t-on le droit de parler d’une campagne électorale comme d’une nuisance? Je suis convaincu que nous devons notre prospérité et notre sécurité à cette capacité que nous avons de régler pacifiquement les conflits, notamment par la voie électorale.

Pourquoi des élections maintenant?

Dès les premières rumeurs, certains se sont plaints du déclenchement d’élections durant l’été. Or, les élections estivales ont été la norme plutôt que l’exception durant le XXe siècle. Elles sont préférables à des élections hivernales, soumises aux caprices de dame nature. Et à tout prendre, c’est la période idéale : Jeux olympiques mis à part, elles ont toute notre attention. Et le nouveau parlement pourra se réunir comme prévu en octobre.

Ainsi, le gouvernement n’essaie pas de nous en passer « une vite ». Nous serons inondés d’information. M. Charest a agi maintenant pour deux raisons : la reprise le lundi 17 septembre des audiences de la Commission Charbonneau « sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction », pourrait mettre le Parti libéral dans l’embarras et, disons-le, le Parti Québécois dans une moindre mesure. Mais surtout, le premier ministre entend profiter des perturbations qui ne manqueront pas d’accompagner la reprise de la session d’hiver dans les cégeps et les universités à partir du 13 août. En fait, la CLASSE est la bouée de secours de M. Charest. Je vous renvoie à mes billets en vous disant « je vous l’avais bien dit ». Je suis flagorneur, mais cela ne m’empêche pas de trouver cela pitoyable.

* * *

La campagne électorale sera brève. Seulement 32 jours. Même si j’en passerai très exactement la moitié au Mexique, je ne pourrai me retenir de la commenter dans ce blogue. De toute façon, les campagnes se font maintenant dans les médias, dans Internet et dans les réseaux sociaux. Au programme : les limites de la démocratie de représentation, le façonnement de l’opinion publique, le rôle des médias sociaux, les motivations des politiciens, les enjeux de cette élection et bien autres choses.

Entretemps, si vous êtes de ceux et celles qui suivent l’actualité, je vous conseille de passer le test de la boussole électorale de Radio-Canada. Vous pourriez avoir des surprises : en mai 2011, j’étais classé comme un libéral fédéral! À suivre...


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