Ce résultat n’aura pas été obtenu sans peine : il est
le fruit du sacrifice des étudiants grévistes, qui représentaient moins de la
moitié des quelque 300 000 personnes inscrites dans nos institutions d’enseignement
supérieures, alors que c’est la totalité des étudiants qui en profitera. Parmi
les étudiants directement impliqués dans le mouvement, plusieurs ont laissé
tomber leurs études, les ont retardées, ou bien ont dû de se contenter de cours
de rattrapage accélérés ou donnés dans des conditions minimales.
Gabriel Nadeau-Dubois: héros, vilain, victime? |
Tout était en place pour une crise de légitimité. D’un côté :
des associations étudiantes qui, fortes du vote majoritaire des leurs membres, faisaient
la grève. De l’autre : un gouvernement qui jouait la carte de la légalité,
car bien qu’elles soient reconnues par l’État depuis 1983, les associations
étudiantes ont tout d’un syndicat sauf le droit de grève. En refusant de
négocier, Jean Charest voulait les pousser à l’illégalité.
Comme co-porte-parole de la CLASSE, Gabriel Nadeau-Dubois n’a
pas été irréprochable : il n’a pas voulu dénoncer les actes de violence
commis durant les manifestations pacifiques, et bien qu’il se disait incapable
de prendre position contre la violence sans avoir un mandat de ses membres, il les a quand même appelés
à poursuivre la grève à la mi-août. Aujourd’hui, il est devant les tribunaux
parce qu’il a publiquement exprimé qu’était légitime pour des étudiants de
prendre tous les moyens nécessaires pour faire respecter la grève, y compris –
c’était sous-entendu – ne pas respecter les injonctions. Pour lui, cela n’équivalait
pas inciter à l’anarchie, c’était défendre le droit à l’éducation. Je trouve l’explication
un peu courte, mais là n'est pas la question.
En faisant cela, Gabriel Nadeau-Dubois jouait le rôle que lui
avait assigné Jean Charest dans une pièce intitulée « La judiciarisation d’un
conflit ». Celui d’un leader prêt à tout pour causer le chaos. C’est parce
qu’il refusait de porter ce chapeau, de jouer le rôle du vilain, et aussi,
semble-t-il, parce que du côté de l’ASSÉ, on ne le trouvait peut-être pas assez
radical, qu’il a démissionné. Aujourd’hui, il paie chèrement son implication
dans le mouvement étudiant.
Comme le dit Rima Elkouri dans La Presse de ce matin, le jugement rendu contre Gabriel
Nadeau-Dubois est dur à prendre au moment où une kyrielle de bandits à cravate
pigent impunément et sans remords dans le trésor public. Menacé d’amende et de
prison, il est comme ces milliers d’étudiants qui ont sacrifié une session ou
même leurs études : il va peut-être payer de sa personne pour avoir permis
que se maintienne le rapport de forces qui lui a permis gagner leur cause.
Maintenant qu'il a perdu son pari, que fera Jean Charest? |
Il n’y a rien de simple lorsqu’un conflit s’enflamme et que
les protagonistes essaient de le régler à la force du poignet plutôt que
prendre le chemin du dialogue. Cela dit, on constate que ceux qui ont joué les
cartes de la répression policière et judiciaire d’une part, et de la désobéissance
civile d’autre part, ont été les perdants de la crise du printemps et de l’été
2012.
Maintenant que cette page est presque tournée (l’ASSÉ en appelle
encore à la grève pour la gratuité scolaire), on se demande si la négociation
reprendra ses droits lors du sommet sur l’éducation supérieure. Dans mon
esprit, la politique a pour objectif la résolution pacifique des conflits.
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