En situation minoritaire, on assiste à une succession de
chicanes et de déclarations fracassantes pour épater la galerie jusqu’à ce qu’on
fasse tomber le gouvernement ou qu’il démissionne. Dans ces circonstances, les
partis ne pensent qu’en termes de stratégie. Vous me dites que c’est toujours
comme cela? C’est en partie vrai. Sauf qu’en situation minoritaire, les projets
de loi du gouvernement sont bloqués, et si l’opposition regroupe réussit à en
faire adopter un, il n’est pas appliqué par le gouvernement. Bref, un
gouvernement minoritaire, dans notre système parlementaire, c’est le marasme.
Que faut-il faire alors?
On veut un gouvernement ou pas? Dans le système actuel basé sur la confrontation, un gouvernement minoritaire n'est pas efficace. |
Notre mode de scrutin « pluralitaire » uninominal
à un tour favorise la constitution de gouvernements majoritaires en donnant une
« prime » aux grands partis et en défavorisant les petits partis.
Quand un petit parti a le vent en poupe, on peut se retrouver avec trois partis
à plus de 20 % et la possibilité d’un parlement minoritaire. Mais c’est
nécessairement un état transitoire. Tôt ou tard, deux grands partis vont s’installer
et s’échanger le pouvoir.
Le mode de scrutin actuel est une injustice pour les
électeurs qui appuient de petits partis. Sauf dans les circonscriptions où se
présentent leurs chefs, ils sont condamnés à « perdre leur vote », ou
à voter pour le « moins pire » des deux grands partis. Faut-il
changer notre mode de scrutin pour un système qui refléterait davantage le vote
des électeurs à l’échelle nationale?
*
* *
Il faut d’abord se rappeler que notre système compte les
votes au niveau des circonscriptions et pas au niveau national. Le parti qui
arrive le premier dans le plus grand nombre de circonscriptions formera le gouvernement.
Jusqu’au milieu du XXe siècle, les élections (au pluriel) étaient
des événements locaux. Chaque région élisait son représentant au parlement.
Mais cela a beaucoup changé.
De nos jours, quand l’électeur met sa croix à côté du nom d’un
candidat, il pense à son parti et à son chef. Son geste n’est pas local, mais bien
national. La notoriété des candidats ne pèse plus que pour 5 % environ.
Bref, il faudrait compter les votes au niveau global. En 2008, le parti de Jean
Charest a obtenu 52,8 % des sièges avec 42,08 % des votes, le parti
de Pauline Marois, 40,8 % des sièges avec 35,17 % des votes, le parti
de Mario Dumont, 5,6 % avec 16,37 % et celui de Françoise David et
Amir Khadir, 0,8 % des sièges avec 3,78 % des voix.
Lorsqu’on calcule les votes au niveau national plutôt qu’au
niveau local, il est clair que les grands partis sont sous-représentés et les
petits, sous représentés. Pas étonnant que plusieurs électeurs décident de ne
plus aller voter. La solution démocratique serait donc un système proportionnel.
Toutefois, si on éliminait complètement les circonscriptions, votre région ou
votre quartier n’aurait plus de représentant au parlement. Il faut donc
conserver des députés élus localement. En même temps, des députés pourraient
être ajoutés pour compenser la distorsion du système actuel. C’est ce qu’on
appelle le mode de scrutin proportionnel mixte.
Même si on s’en rappelle peu aujourd’hui, les deux grands partis
ont flirté avec l’idée au début des années 2000, mais le projet a été enterré
par le gouvernement actuel, trop content d’avoir retrouvé sa majorité.
J’ai longtemps pensé que l’avènement d’un mode de scrutin plus
proportionnel serait nuisible à la gouvernance, car il renforcerait les petits
partis, qui seraient plus nombreux et plus forts, et donnerait presque
systématiquement des « parlements à l’italienne », c'est-à-dire ingouvernables,
avec des élections à répétition. Cela est plausible durant quelques années, car
les partis continueraient pratiquer une politique de confrontation. Mais
constatant que cela est vain, ils finiraient bien par changer de culture
politique et à collaborer, soit par des alliances parlementaires, soit par des
coalitions gouvernementales. C’est une véritable révolution démocratique qui s’opérerait.
* * *
Mais comment fait-on pour vaincre la résistance des grands
partis? Voici ma solution. Élisons un gouvernement péquiste majoritaire.
Celui-ci adoptera une loi sur le Référendum d’initiative populaire (RIP). Cette
mesure a d’abord été pensée pour déclencher un référendum sur la souveraineté,
mais pourrait servir à tout projet d’envergure pour lequel un appel au peuple
est nécessaire, dont la réforme du mode de scrutin!
Vous répondez : « Regarde le vieux péquiste qui veut
nous avoir! » Vous n’avez pas complètement tort. Je constate que depuis
2003, la coalition péquiste menace d’éclater. À force de ne plus parler d’indépendance
(on parle plus souvent de référendum, ce qui est le moyen, pas la fin), le
ciment de ce parti s’effrite. Des partisans de gauche vont à Québec solidaire,
de droite à la CAQ, les plus indépendantistes à Option nationale. Avec notre
mode de scrutin, cela est fatal pour un grand parti : à terme, cela ouvre
la porte à sa disparition éventuelle en tant que grand parti.
Appuyer un petit parti de gauche ou indépendantiste nous
fait courir les risques suivants : ou bien le PQ perd aux mains d’un des
deux partis de droite, ou bien il doit gouverner avec l’appui de la CAQ. Ce ne
sera pas Québec solidaire et ses deux députés qui pourront faire survivre le gouvernement
Marois.
Mon vote à moi n’est pas stratégique. J’appuie le programme
social-démocrate du PQ. Mais je fais un marché avec vous. Aidez-moi à élire un
gouvernement péquiste majoritaire et j’appuierai de toutes mes forces une
réforme du mode de scrutin.
C’est sûr que l’élection d’un gouvernement majoritaire avec 35 %
ou 36 % va soulever des tonnes de questions et qu’on sera en bonne position
de faire passer un RIP sur une réforme. Et une fois que le système électoral
sera plus proportionnel, vous aurez le loisir de me convaincre de changer de
parti. Deal?
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